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Albert Dichy

BEN LOULOU, Didier ( 1958 )
Paris, France,
2005
Inv.
2005.47.056
Photographie
Dimensions :
H. 50 - L. 50 cm
Tirage couleur contrecollé sur aluminium
mahJ

Pour toute demande de reproduction veuillez contacter la photothèque.

Appartenance à un ensemble
Série « Rencontres »
Historique
« Je suis né en 52 dans le quartier juif de Beyrouth. J'ai été à l'école à l'Alliance, puis chez les pères jésuites. Je suis le produit d'une grande salade méditerranéenne.
Le Liban était un pays où le caractère hétérogène laissait un espace de liberté pour les minorités. Les pays arabes ont un art de la vie dont on garde toujours la nostalgie, y compris en Israël.
D'ailleurs, c'est une des raisons pour lesquelles je vis aujourd'hui à Bastille, c'est le coeur et le recueil de plusieurs quartiers, ça rappelle plus Beyrouth que le Marais !
Je suis arrivé en France en 75, à cause de la guerre, et ce fut un immense bonheur, je me disais : Sartre ouvre sa fenêtre en même temps que toi, Malraux est vivant ! C'est d'ailleurs par Blanchot que je me suis réintéressé au judaïsme. Avant, ça me paraissait de vieilles choses fossilisées, bonnes pour mes parents !
Moi, j'ai appris l'hébreu sans que jamais aucun professeur ne pense à me dire que ça avait un sens, et que je n'étais pas en train de prononcer des paroles de vaudou africain ou des formules cabalistiques !
C'est Blanchot qui, après-guerre, a pris la défense du judaïsme. C'était sa façon à lui de « réparer », par un travail de réflexion sur les auteurs juifs comme Jabès et Levinas.
J'ai commencé à voir que la pensée juive pouvait être vivante et forte. C'est cette génération qui a ramené la pensée juive dans la pensée générale.
J'ai fait un livre sur Jean Genet. Je l'avais rencontré en 72 à Beyrouth, j'étais alors militant dans différents partis. Un jour, un ami m'a dit : « Il y a une réunion avec un écrivain français. » À cette époque, je connaissais son nom ; mais je n'avais rien lu de lui.
J'ai immédiatement acheté Les Nègres et j'ai été ébloui par la langue.
J'ai vu Genet arriver entre deux grands malabars palestiniens laissant leurs armes à l'entrée. On a pris un café après la conférence, et il m'a dit : « Mais alors, dites-moi, vous êtes chrétien ou musulman ? » « Je suis juif. » « Vous êtes juif ? Mais alors on ne peut plus faire confiance à personne dans ce pays ! Qu'est-ce que vous faites là, alors que vous avez un si beau pays en face avec des soldats ? »
Il était déconcerté, il ne pouvait pas considérer qu'un Juif pouvait être avec les Palestiniens. Il s'est mis à rire, évidemment.
Son oeuvre m'a appris une chose : à ne jamais séparer les exclusions les unes des autres, cela vaut pour le judaïsme.
Je me défends de penser uniquement en tant que juif. J'ai une identité multiple mais pas fragmentée. »